Fragments de guide – Soif d’ailleurs avec Nadia
par Nadia Fournier
Au moment où vous lirez ces lignes, la 38e édition du Guide du vin sera partie chez l’imprimeur. Je terminerai du même coup un beau gros marathon de dégustations – et de rédaction – qui durait depuis le début de juillet et qui m’aura permis de faire le tour du monde en bouteille, en plus de prendre le pouls des derniers millésimes dans les régions viticoles classiques, de voir comment évoluent les vins, etc.
Mes constats des derniers mois? Il me semble y avoir un peu moins de vins sucrés en circulation. Cela dit, l’échantillonage était peut-être biaisé. Il est possible que les agences ait renoncé à me soumettre ces vins auxquels j’accorde rarement de bons mots.
Autre constat: l’effet millésime m’a semblé particulièrement marqué dans les régions du nord de la France et de l’Italie, mais aussi en Allemagne. Acheter à l’aveugle en se fiant uniquement à la réputation du vigneron me paraît risqué, surtout pour des vins de garde. Mieux vaut faire ses recherches.
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En 2016, on oubliera la Loire et la Bourgogne (surtout Chablis) et on se tournera vers le Roussillon, Bordeaux, le Beaujolais, le Piémont et la Toscane.
En 2017… bonne chance! L’année a été désastreuse à Bordeaux et dans presque toutes les régions de France, sauf en Bourgogne et dans le Beaujolais, où on trouve de jolis vins fruités, délicats et équilibrés, ainsi qu’en Alsace, où on parle déjà de millésime d’exception – l’un des meilleurs depuis la Seconde Guerre mondiale. En Italie, misez sur le Piémont, oubliez la Toscane et la Vénétie jusqu’en 2018.
À boire!
Le profil du vin de Bordeaux a beaucoup changé depuis 30 ans, mais on trouve encore sur le marché des vins qui offrent une expression inaltérée de leur lieu de naissance. Comme l’excellent Margaux 2014 du Château Haut-Breton Larigaudière; très médocain par sa composition – 85 % de cabernet sauvignon – et par son étoffe tannique à la fois fine et tissée très serrée. Beaucoup de caractère et d’intensité contenue dans cet excellent vin, dont l’amateur de bordeaux se régalera jusqu’en 2024. (44 $)
En 2016, rien n’a été facile à Chablis. L’année de toutes les intempéries : gels printaniers, pluie et froid en mai et juin qui ont compromis la floraison, puis un peu de soleil, enfin. Le peu de vin produit est bon,
quoique parfois dilué. C’est pourquoi il faut souligner la qualité du Chablis 2016 du Domaine Billaud-Simon, qui appartient maintenant à la maison Faiveley. L’acidité caractéristique des vins de l’appellation est enrobée d’une texture bien grasse et les parfums de citron et de melon s’accompagnent d’accents de miel et de safran. Un peu atypique, mais savoureux. En pré-vente sur SAQ.com. (35,75 $)
Toujours en Bourgogne, mais quelque 200 kilomètres au sud, le Mâcon-Péronne 2015 du Domaine du Mont Épin offre une expression complètement différente du chardonnay. Produit sur le terroir de Péronne, derrière l’escarpement principal qui surplombe la Saône – là où le climat est, dit-on, plus frais que dans les secteurs situés plus à l’ouest – le vin affiche une vitalité digne de mention en 2015, un millésime dans lequel plusieurs blancs accusent une certaine lourdeur. Frais, gras et minéral; le portrait rêvé du vin blanc du Mâconnais. (22 $)
Fan de Beaujolais, essayez de mettre la main sur l’un des magnum de Morgon 2017 du Domaine Marcel Lapierre. D’abord, parce que les magnums de morgon sont rares, mais surtout parce que 2017 est l’une des belles réussites des dernières années pour Camille et Mathieu Lapierre, dont le père, Marcel Lapierre, a tracé la voie pour de nombreux vignerons de la région quant à l’élaboration de cuvées naturelles, sans ajout de soufre. Les quelques bouteilles ouvertes depuis l’automne dernier ont toutes été à la hauteur des attentes – toujours élevées envers ce domaine. Un vin de plaisir qu’on peut ouvrir dès maintenant ou laisser reposer en cave cinq ou six ans, sans craindre qu’il ne se fatigue. (73 $)
Pour les soirées en plus petit comité, le Morgon Cuvée Corcelette 2016 de Jean Foillard est à ranger du côté des meilleurs vins du Beaujolais à la SAQ. Les Foillard possèdent 5 hectares sur ce terroir voisin de Chiroubles, connu pour donner des vins abordables en jeunesse, plus fruités que charnus. Issu de vignes âgées de 80 ans, plantées dans des sols de grès, le moût est vinifié de façon traditionnelle, avec les grappes entières, et à basse température, pour éviter d’extraire l’amertume de la râfle. En 2016, le résultat dans le verre est tout à fait délicieux, avec un éventail de saveurs complexes, des tanins très soyeux et une grande sapidité. Cher, mais dans une classe à part. (45,25 $)
Dans le même esprit de légèreté, mais produit en Italie, sur les rives du lac de Garde. Parmi la centaine de vins dégustés l’automne dernier, lors d’un séjour dans la région, ceux de Matilde Poggi (Le Fraghe) m’ont semblé les plus achevés. Convertie à l’agriculture biologique dès 2009, la vigneronne signe le Bardolino 2015 Brol Grande; plus ferme que la moyenne des rouges de l’appellation, avec des aspérités tanniques qui rappellent des vins légers du Piémont. L’alcool ne pèse pas lourd, mais le fruit est gourmand et la finale délicatement astringente. Un très beau vin pour la table. (31 $)
Côté Méditerranée, les conditions du millésime 2016 en Catalogne ont été semblables à celles de son voisin, le Roussillon. Un été marqué par la sécheresse a donné ds vins très concentrés, avec beaucoup de tout, mais en équilibre. Pour une introduction abordable aux vins du Priorat, en Catalogne, goûtez le Camins 2016 Priorat d’Alvaro Palacios. Un rouge solide, posé sur des tanins denses, mais néanmoins très fin, profond et riche d’un large spectre de saveurs bien méditerranéennes, entre l’anis, les olives noires et la garrigue. Beaucoup de relief et de profondeur dans ce vin encore très jeune et promis à une belle garde. (28,60 $)
Enfin, parce que l’automne vous fournira certainement plein de bonnes raisons de célébrer et que, tant qu’à faire sauter le bouchon, autant le faire avec bon goût, je vous invite à découvrir les vins d’Alexandre Chartogne (Chartogne-Taillet), à commencer par la Cuvée Sainte Anne, l’entrée de gamme du domaine. Un assemblage de chardonnay et de pinot noir à parts égales, provenant de différentes parcelles sur la commune de Merfy, dosée à plus ou moins 5 grammes. Très sec, tendu et structuré, il offre une dimension rare pour un champagne de ce prix. (53,25 $)
Santé !
Nadia
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