Parole, parole, parole – Soif d’ailleurs avec Nadia

par Nadia Fournier

Nadia Fournier

Nadia Fournier

Au risque de me répéter: j’aime le vin lorsqu’il déborde du verre. J’aime l’aborder comme un vecteur de culture et d’ouverture sur le monde. En s’intéressant au vin, on découvre l’histoire d’une région, d’un pays, sa géographie et sa géologie. On flirte aussi souvent avec la biologie, la philosophie, la chimie, la physique et parfois… la sémantique.

Il y a quelques semaines, Luca de Marchi était en visite à Montréal. Son père, Paolo de Marchi, a fondé le domaine Isole e Olena – domaine phare du Chianti Classico – dans les années 1970 et il est l’une des figures les plus respectées de la Toscane. Vigneron par la force des choses, Luca est d’abord un linguiste de formation. Et n’eût été de son père qui caressait d’autres ambitions pour lui, il avoue que lorsqu’il étudiait en philologie, il préférait la perspective d’une vie académique, à arpenter les corridors de la Sorbonne plutôt que les rangs de vignes.

Aujourd’hui dans la jeune quarantaine, il semble très heureux de sa vie de vigneron, mais quelque chose dans son discours nous laisse croire que l’appel des mots n’est jamais loin. En cette journée d’hiver, voyant l’intérêt qu’entretenait les quelques personnes réunies autour de la table pour ses anciennes amours professionnelles, il s’est permis cette parenthèse linguistique alors qu’il présentait les vins des deux domaines familiaux:

« Le mot “tradition” est probablement l’un de ceux qu’on utilise le plus dans le milieu viticole. Et on l’emploie presque toujours mal… On aborde toujours la “tradition” comme un ensemble de pratiques figées dans le temps, mais ça n’a pas de sens. Le terme “tradition” vient du latin tradere, qui signifie “transmettre à quelqu’un d’autre”. Or, parfois, dans le cours de l’histoire, on a transmis des choses fausses. C’est pourquoi il faut savoir se remettre en question et transmettre à son tour, le fruit de ses recherches, de son apprentissage. »

En résumé, étymologiquement parlant, la « tradition » n’aurait pas tant à voir avec le maintien du statu quo et le conservatisme, mais plutôt avec… l’évolution! 

Je vous laisse méditer là-dessus. Ce sera mon cadeau de Pâques. Ça et quelques suggestions pour accompagner le long congé. 

Allez, salute !

Fiasco e tutti quanti

Vous souvenez-vous du fiasco? Le flacon trapu recouvert de paille et rempli d’un chianti un peu râpeux qui trônait sur les tables des restaurants italiens dans les années 1960 et 1970.

Les nostalgiques voudront donc absolument mettre la main sur l’une de ces fiasques mises en vente ce jeudi à la SAQ. D’autant plus que le vin, lui, n’a rien de poussiéreux… Biologique, non-boisé et non-filtré, le Fattoria di Sammontana, Chianti 2015 est l’exemple même du rouge léger qu’on voudra servir avec le repas de Pâques ce dimanche. (35 $  – 1,5 litre)

Fattoria di Sammontana Chianti Fiasco 2015Collemattoni Rosso di Montalcino 2015

Dans le même registre, le Rosso di Montalcino 2015 de Collemattoni a exactement tout ce qu’on puisse espérer d’un bon rosso à Montalcino. Pas de bois, mais des saveurs fruitées nettes, une attaque en bouche rassasiante et une vigueur bien agréable à table. (24,95 $)

Un cran plus complexe, le Chianti Classico 2014 de Isole e Olena était en grande forme lorsque goûté au début du mois de mars. L’année 2014 a été marquée par un été froid et pluvieux et par des mois de septembre et octobre radieux. Le sangiovese a été récolté vers le 2-3 novembre. Du jamais vu selon Luca de Marchi !

Résultat: un Chianti tout ce qu’il y a de plus classique, avec des notes de cerise, de cuir et de terre. Franc, net et tout léger en apparences, mais pas mince du tout et doté d’une bonne longueur. Le genre de vin qui me donne envie de passer des heures à table. (32,75 $)

Isole E Olena Chianti Classico 2014Proprietà Sperino Uvaggio 2014

Luca de Marchi ne fait pas que maîtriser les mots, il veille aussi sur Sperino, la propriété piémontaise de la famille, développée au tournant des années 2000 sur le terroir de Lessona. Cette appellation historique du nord du Piémont avait sombré dans l’oubli depuis plusieurs décennies lorsque Luca et son père ont entrepris de restaurer les vignobles qui composent la propriété. Les deux hectares de vieilles vignes à Lessona et à Bramaterra forment l’assemblage de la cuvée Uvaggio 2014, purement délicieuse, qui devrait être mise en vente dans un Courrier Vinicole dès le 23 mars au 10 avril. (39 $)

Profil syrah 

Le blaufränkisch, ou kékfrankos en Hongrie, est surtout connu pour donner des vins souples et ronds, à boire en jeunesse. Mais le Blaufränkisch 2014, Reserve de Roland Velich, chez Weingut Moric, joue dans une autre ligue. Un vin très sérieux, tant par la densité et la qualité de ses tanins, que par sa dimension aromatique, qui n’est pas sans rappeler certains vins de Côte-Rôtie. (51 $)

Pour rester dans le même profil, le Saint-Joseph 2015, Terroir de Granit est l’archétype du bon saint-joseph : poivré, compact, mais pas austère, et tellement harmonieux qu’on pourrait déjà le boire avec grand plaisir. En prenant soin d’en mettre quelques bouteilles de côté pour la cave. (31 $)

Weingut Moric Reserve Blaufränkisch 2014Guy Farge St Joseph Terre De Granite 2015Terre Rouge Sentinel Oak Vineyard Pyramid Block 2009

Bien qu’il soit âgé de plus de 8 ans, le Syrah 2009, Sentinel Oak Vineyard Pyramid Block de Terre Rouge est encore ferme et sur la réserve. Après une longue aération en carafe, les tanins se délient et le vin s’ouvre sur des saveurs profondes de fruits noirs, de fleurs séchées et d’épices. Si vous aimez la syrah en mode généreux, vous vous régalerez. (60 $) 

Un coup de blanc?

Le Riesling 2016 produit par David Paterson chez Tantalus, dans le secteur de Kelowna, vallée de l’Okanagan, mise à fond sur la vitalité et la légèreté. Exemple même d’un bon vin blanc de terroir et de climat frais, vif, sec, nerveux et délicatement parfumé. (31 $)

Dans un tout autre registre, les amateurs de chardonnay gras et bien en chair aimeront ces deux vins de la gamme Jean-Claude Boisset, qui portent la marque généreuse du millésime 2015. Le Marsannay 2015 (43,50 $) s’avère plus frais, avec des parfums de poire mûre, tandis que le Auxey-Duresse 2015, Les Crais (51,50 $) est assez représentatif des vins blancs riches et concentrés qu’a produit la Côte de Beaune dans une année chaude et sèche.

Tantalus Riesling 2016Jean Claude Boisset Marsannay 2015Jean Claude Boisset Auxey Duresse Les Crais 2015Claude Chevalier Bourgogne Aligoté 2016

Pour un peu plus de fraîcheur, il faudra se tourner du côté des 2016, belle année pour les vins blancs en Bourgogne. Pour le peu de raisins qui ont survécu aux aléas météo de cette année catastrophique, s’entend. Tout juste arrivé à la SAQ, le Bourgogne Aligoté 2016 (23,90 $) du Domaine Chevalier est juste assez gras pour être servi à table et idéal pour l’apéritif.

Printemps, saison du Xérès

Il y a deux semaines, Lucas Paya, ambassadeur de marque pour la maison Lustau, était de passage à Montréal, le temps de donner une classe de maître à l’ITHQ. Un moment précieux qui m’a rappelé à quel point j’aime les vins de Xérès. Sans doute parmi les grands vins les plus sous-estimés du monde.

Après des décennies de déclin, le Consejo Regulador de Jérèz – on peut dire les trois: jérèz, xérès ou sherry – annonçait il y a quelques années que ces vins, produits dans la partie ouest de l’Andalousie, connaissaient un certain regain de popularité auprès d’une jeune clientèle de sommeliers et d’amateurs. Le succès, dit-on, touche surtout les vins secs (fino, manzanilla et amontillado).

En attendant le retour du toujours excellent Papirusa manzanilla sur les tablettes de la SAQ au courant d’avril, voici quelques autres cuvées de Lustau. Du plus sec au plus doux, tous les vins de cette grande maison andalouse sont admirablement typés et dotés d’une forte personnalité.

Lustau Manzanilla Papirusa Solera ReservaLustau Almacenista Manzanilla Pasada De SanlucarLustau Solera Reserva Dry Amontillado Los ArcosLustau Solera Reserva Dry Oloroso Don Nuno

La manzanilla est une spécialité andalouse produite à Sanlúcar de Barrameda, en bordure de l’Atlantique, et reconnue pour être le plus léger et le plus aérien des xérès. Même s’il fait preuve d’une concentration hors norme, le Almacenista Manuel Cuevas Jurado, Manzanilla Pasada reste très sec et présente un registre de saveurs d’iode et de noisettes, soulignées d’une salinité qui fait saliver. (36,25 $) 

L’Amontillado est un fino vieilli, qui perdu son voile, sa flor. Ce vin de couleur tuilée paraît d’autant plus sec qu’il est dépourvu de glycérol, grâce à l’action du voile de levures. La cuvée Los Arcos s’impose par son intensité aromatique et par ses saveurs compactes de noix, de fruits secs, de levures, de sucre brun, autant que par sa tenue en bouche. Un excellent amontillado de facture classique. (19,95 $ – 375 ml)

Pas édulcoré, contrairement à nombre d’Oloroso, le Don Nuno n’a jamais été élevé « sous voile », contrairement à l’amontillado. Ce vin riche et vineux donne l’impression d’un liquoreux, mais il est sec. À retenir comme un modèle du genre. (29,75 $)

Joyeuses Pâques!

 

Nadia Fournier

Note de la rédaction: vous pouvez lire les commentaires de dégustation complets en cliquant sur les noms de vins, les photos de bouteilles ou les liens mis en surbrillance. Les abonnés payants à Chacun son vin ont accès à toutes les critiques dès leur mise en ligne. Les utilisateurs inscrits doivent attendre 30 jours après leur parution pour les lire. L’adhésion a ses privilèges ; parmi ceux-ci, un accès direct à de grands vins!